Bouche cousue

Ca fait plus d’une dizaine d’années que j’ai des relations avec hommes cis. Il m’est arrivé très souvent cette situation où l’on s’embrasse, on se prend dans les bras et là il te touche, il te caresse. Il ne te demande pas ton avis parce que c’est évident qu’on s’embrasse pour ça, que c’est au gars de prendre les devants et que toi tu vas accepter.  Il n’y a pas besoin de parler, de se demander si l’autre à envie. Tu es en relation avec la personne alors c’est évident de faire l’amour.

Il y a eu toute ces fois où j’ai retiré sa main, où j’ai dit « non« , « pas maintenant« , « pas tout de suite« , « plus tard« . Des fois ça a marché, d’autres fois non. Il y a des fois où tu as quand même fait l’amour parce que tu en avais marre de dire non et que tu t’es dit que ça passerait vite. Des fois tu as eu envie finalement. D’autres fois tu attendais juste que ça passe.
A chaque nouvelle relation avec un mec je savais que ce moment arriverait, ce moment où il ne te demande pas si tu en as envie, il te touche et tu lui dis non. Mais il continue. Alors tu dis non plusieurs fois. Ca marche ou ça ne marche pas.

Je n’en ai presque jamais parlé au mec. J’ai parlé une fois d’une agression sexuelle que j’avais subi de la part d’un ami proche à notre cercle d’ami. On m’a dit « Oui mais bon il était amoureux de toi – oui mais bon c’est triste – oui mais bon qu’est ce que tu veux qu’on fasse ?« . J’ai coupé les ponts avec ce cercle « d’amis ». Je n’ai plus parlé.

silence

Une nouvelle fois j’ai eu une relation très forte avec un mec. Je l’aimais énormément. Pourtant au tout début de notre relation il s’était allongé à côté de moi alors que je dormais et il a commencé à me toucher. Je me suis réveillée et j’ai enlevé sa main. 3 fois.
Je me suis levé-e le matin et je n’en ai jamais parlé. Nous avons eu notre relation, nous avons vécus des choses très fortes. Mais j’y pensais régulièrement, par période. Des fois je n’y pensais pas pendant plusieurs jours puis ça revenait, c’était dans un coin de ma tête sans que je puisse arrêter d’y penser. Mais jamais je n’ai pu lui en parler, regarder ses yeux et lui dire que ce qu’il m’avait fait n’était pas bien, qu’il avait largement dépassé mes limites et n’avait pas écouté quand j’avais dit non.

Récemment j’ai débuté une autre relation avec un hommes cis. Je savais que ce moment viendrait où il voudrait faire l’amour et où mon consentement ne compterait pas. C’est arrivé au début de notre relation, comme souvent. Il voulait et je disais « non-pas maintenant-plus tard« , il me touchait et j’enlevais sa main. Je l’ai repousser jusqu’à ce qu’il arrête. Mais cette fois j’ai voulu en parler, je ne voulais pas d’une autre relation construite sur le silence de ce qu’il se passait.

C’est dur de dire à une personne pour qui l’on a de la tendresse et de l’affection : « Hey tu m’as agressé, tu as dépassé mes limites, t’es un connard en fait !« . C’est horrible de devoir contenir sa colère, sa tristesse parce qu’on ne veut faire de la peine à la personne à qui on tient. On est tiraillé entre vouloir se laisser exploser sans en avoir rien à faire des conséquences et se contenir de ne pas aller trop loin pour ne pas perdre la personne. C’est étrange cet amour que l’on porter à celui qui est notre ennemi, que l’on puisse s’attacher à une personne alors qu’on sait qu’un jour ou l’autre elle nous fera du mal. Ce mal on en devient presque blasé tellement on l’a subi depuis des années, relations après relations.

non

Pour moi ce qui a été dur c’est d’abord de me rendre compte de ce que cela signifiait dépasser mes limites, de mettre des mots dessus. De comprendre que c’est un schéma répétitif. Réussir à en parler. Je ne sais pas si ça soulage, si c’est une bonne/mauvaise chose. Je sais juste que je ne pourrais plus construire de relation la bouche cousue sur mon consentement.

Ce contenu a été publié dans Féminisme, avec comme mot(s)-clé(s) , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.